Véronique Lorimier

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Ajouté le 8 sept. 2016

Texte d' Alexis Jakubowicz pour mon exposition au Salon de Montrouge. Also translated in English


Du 30 Avril au 20 Mai 2014, je participe au 59èm Salon de Montrouge. Voici le texte que le critique d'Art Alexis Jakubovicz m'a consacré à cette occasion, et qui figure au catalogue de l'exposition.

Véronique Lorimier est voyante, au sens du zodiaque autant que de Rimbaud. Dans le dessin comme dans la divination, elle procède « par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » (lettre Arthur Rimbaud à Paul Deneney, 15 Mai 1871). Comme les poètes et les savants maudits, elle cherche « toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie », épuise en elle tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Peintre passée par le tarot, rompue aux rêves diurnes --ineffables tortures au cours desquelles toute sa foi conduit à l’inconnu, elle sent se prolonger les corps, les gestes et les espaces tirés aux cartes.

Puisqu’il en est de la peinture comme de la poésie (ut pictura poesis dit Horas), elle a fait sienne la méthode rimbaldienne. Que rend-elle au panier de sa bonne aventure quand elle rouvre les yeux, sinon comme a dit Simonide des images parlantes ? Eh bien l’inverse, précisément, des poésies muettes, des songes qui persistent au crayon de couleur. Indélébile sur sa rétine, ses dessins sont comme des sensations de persistance qui explosent dans toutes les longueurs d’onde à l’intérieur de nos paupières. Les particules fantômes, auréoles primitives de l’hallucination, sont détournées en vert, en bleu, en jaune, en mauve et montées en amas de phosphènes. Devant les grands ensembles qu’elle présente à Montrouge, on est en vérité passé derrière ses yeux, rapidement de la lumière à l’ombre. L’accroche est immersive plutôt que linéaire, pour qu’on y puisse jeter son regard sans bouger.

On doit dans la chapelle de Véronique Lorimier, demeurer immobile et néanmoins partir ; entrer dans son état d’hypnose, empathique, apathique, forcément esthétique, du bout des cils seulement. C’est alors qu’apparaissent les silhouettes gravées sur les vitraux-Canson, dans des dispositions qui pourront faire songer quelques fois à Chagall. Pour la plupart néanmoins, les dessins de l’artiste ont reçu du bocage l’héritage de Chaissac. Comme les « bonshommes de la peinture rustique moderne » (Gaston Chaissac, Lettre à Michel Ragon, Novembre 1962), les personnages de Lorimier croisent au large des univers de Klee pour le trait pariétal et de Miro dans quelques-unes de leurs acrobaties. On y décèle aussi, dans la répétition narrative, des traces étranges, inquiétantes et parfois drolatiques des cosmogonies de Bruegel l’Ancien ou bien de Jérôme Bosch. Toutes ces figures se montrent en contre-jour. On les perçoit dans une masse de lumière, comme au sommeil d’un corps qui s’abandonne malgré lui. Quand éblouis, les formes et les couleurs saturent à nous faire perdre l’intelligence de nos visions, c’est qu’il est temps d’y mettre fin. Ses dessins, on ne les a pas vu, mais eus et faits comme on le dit des rêves.



Véronique Lorimier is a seer, in reference to astrologie and Rimbaud. When drawing, as with divining, she undergoes "a long, prodigious and rational disording off all the senses" (letter from Rimbaud to Paul Deneney, 15 Mai 1871). Like those accursed poets and scholars, she seeks out "every form of love, and suffering, of madness", consumes all the poisons in herself, and keeps only their quintessence. She is a painter versed in the tarot and apt at the art of dreaming -unspeakable torture during wich all her faith leads her into the unknown where she senses bodies, gestures and spaces being drawn out by the cards.

As is painting so is poetry( Ut pictura poesis says Horace), therefore the artist has adopted Rimbaud's method. Once her eyes reopened, wath does the page reveal of her fortune-telling, other than -as Simonides said- a picture that speaks? Well, the opposite of course: silent poems, dreams traced with coloured pencils. Forever imprinted on her retina, her drawings are like persistent sensations flashing along the many wave lengths of our mind's eye. Unfathomable particles, primitive hallucination auras are outlined in green, blue, yellow and mauve and constructed as a series of phosphenes. When viewing the large ensembles she is presenting at Montrouge, we suddenly find ourselves on the other side of her eye-lids, gone from light into shadows. The hanging is immersive rather than linear so that we may see inside without having to move.

When entering Véronique Lorimier's chapel one must at once remain still and take off; slip into her state of empathetic, apathetic and certainly aesthetic hypnosis with just the tip of one's eye-lashes. Only then can one make out silhouettes imprinted onto paper's stained-glass windows in compositions that might conjure up Chagall. More often, however, the farmlands of Vendée have blessed the artist's drawings with Chaissac's heritage. Like his "good chaps of rustic modern painting" (Gaston Chaissac, Letter to Michel Ragon, November 1962 (quoted in Michel Ragon, Du Côté de l'Art Brut, Paris Albin Michel.) Lorimier's figures orbit the universes of Klee-for the primal touch- and Mirò for some of their acrobatics. One migth also pick up in the narrative some uncanny, at once worrisom and comical, traces of Brueghel the Elder's or Hieronymus Bosch's cosmogonies. All the characters are shown back-lit. Doused in light we view them as sleeping bodies unwittingly relaxed. When dazzled, the shapes and colours become so saturated we lose the understanding of our visions, it is then best to stop. Thus we have not seen her drawings but "had" them as a dream.

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